Ayant traversé des défis professionnels et personnels, j’ai tenté de lire ce livre avec un a priori : est-ce encore un énième manuel de développement personnel empli de bons sentiments pour se sentir bien, équilibré, dynamique et capable d’en mettre plein la vue en termes de leadership ou de réussite ? Vais-je devenir un manager ferme mais surtout bienveillant, capable d’écouter ses équipes tout en les menant vers des objectifs sur lesquels je n’ai pas de leviers ?
Evoquant les trois ressorts de la confiance en soi que seraient « la confiance en l’autre, la confiance en ses capacités, la confiance en la vie », l’auteur présente des personnalités sportives et médiatiques dont les performances et le charisme se sont forgés dans un environnement aimant ou grâce à une rencontre décisive, ou encore grâce à une parole d’encouragement donnée par un tiers.
Une approche pluridisciplinaire
Envisageant la confiance dans une approche pluridisciplinaire (philosophie, psychanalyse, psychologie, littérature, spiritualité), l’auteur ne néglige aucune dimension de la personne. Il met en exergue également la vertu de fidélité en s’appuyant sur les écrits du philosophe Ralph Waldo Emerson (continuer à se faire confiance y compris face à une majorité qui s’égare et surtout s’y tenir) et la poursuite des valeurs stoïciennes et épicuriennes comme de la poursuite du Bien, du Vrai, du Beau. En effet, la confiance en la Vie se nourrit de notre capacité à nous émerveiller, à vivre « l’expérience esthétique ».
De manière concise et efficace, ce petit ouvrage sera une bonne aide pour les managers, parents, éducateurs, personnes en proie aux doutes de toutes sortes. Il permet de revaloriser les termes d’audace, de ténacité et d’humilité comme de poser la question du courage d’entreprendre et de faire face à l’adversité.
Une lecture à éviter dans certains cas
En revanche, au cœur d’un burn-out, une telle lecture ne serait, selon moi, pas à recommander immédiatement : un accompagnement auprès de professionnels sera nécessaire. Pour avoir franchi une telle période, il est difficile de réapprendre la confiance en soi et surtout de retrouver sa capacité d’émerveillement en la Vie. Un burn-out bouleversant toutes les dimensions de la personne, j’ai mis du temps à m’affranchir de mon sentiment de culpabilité, d’admettre que malgré toute ma bonne volonté, je faisais fausse route.
Pour les moments difficiles, il faut peut-être prioriser des lectures simples telles les « Cinq méditations sur la Beauté » de François Cheng qui a eu pour moi l’effet d’un véritable baume, un remède contre la désespérance et la médiocrité. De belles biographies pourraient apporter de la légèreté ; je pense à la lecture des « Mémoires » de Roland Garros : décoller, atterrir plus ou moins bien, souvent se crasher, casser son hélice, faire venir le menuisier pour la réparer, se briser les os, rendre un dernier hommage au confrère pilote qui s’est écrasé en prenant les airs, recommencer…
Un excellent point de départ
Vous ne trouverez pas non plus au cœur de cet ouvrage de Charles Pépin un mode d’emploi instantané pour sortir d’une dépression ou d’une crise existentielle. Néanmoins la bibliographie détaillée par chapitre constitue un excellent point de départ pour de beaux approfondissements. Ce petit livre résolument optimiste offre le témoignage de personnes résilientes, capables de puiser des forces insoupçonnées malgré les épreuves. L’ajout de quelques références biographiques illustrant le propos de l’auteur aurait été un plus pour le lecteur en quête d’inspiration, de modèles : l’obstination de Guillaumet dans les Andes, la présence de Charles de Foucauld à Tamanrasset, le dévouement de Florence Nightingale (infirmière britannique, pionnière des soins infirmiers modernes), la réparation en solitaire de son mât en 2000 par Yves Parlier lors du Vendée Globe.
Je retiens de ce petit livre assez complet et structuré la multiplicité des références : on y peut passer de Kant, Nietzsche, George Sand, Françoise Sagan, Mozart à des témoignages contemporains, comme ceux de pilotes appontant de nuit sur le porte-avions Charles de Gaulle ou celui d’Antoine Leiris, qui a perdu sa femme au Bataclan le 13 Novembre 2015 et a inspiré le livre « Vous n’aurez pas ma haine ». Cette facilité de lecture est extrêmement appréciable : il parle à tous, n’hésite pas interpeler l’homme de bonne volonté, croyant ou non, sur le contenu de ses convictions ou de sa foi, le rite, le fond.
Mise en pratique personnelle
La lecture de cet ouvrage au point de vue professionnel m’incite à inverser certains modes de fonctionnement des équipes et de me défier de certains poncifs : une erreur issue d’une prise d’initiatives d’un agent ou d’une équipe se révèlera être une grande source d’enseignements par rapport à un défi non relevé, une situation subie. Faire à la place du collaborateur ne lui permet pas de donner la pleine mesure de ses potentiels : les meilleures réponses viennent souvent des personnes elles-mêmes. De même, reconnaître une erreur après un choix n’est pas nécessairement la fin d’une relation de confiance entre les collaborateurs et le manager. Etant agent de maîtrise depuis 2010 et manager depuis 2016, je dois m’appuyer sur mon expérience (succès et erreurs) en repoussant loin le syndrome de l’imposteur.
Est-ce qu’échouer avec panache est encore digne d’intérêt aujourd’hui ? La quête de l’effort continu étant souvent moquée et les entrepreneurs qui réussissent souvent perçus comme suspects ou dotés d’une intégrité douteuse, un tel livre est évidemment bénéfique et à mettre dans les mains du plus grand nombre.
Ayant pris plaisir à lire « La Confiance en soi : Une philosophie », j’envisage naturellement de découvrir « Les vertus de l’échec » du même auteur.
François Escaro
Merci François pour ce bel article sur cet ouvrage tu donnes envie de le lire.