Plus qu’un personnage historique, c’est une incarnation de la chevalerie qui fut appelé, comme il le dit lui-même, à ne servir « qu’un maître au ciel, Dieu ; qu’un maître sur la terre, le roi de France : je n’en servirai jamais d’autres ». Des mots choisis, des actes forts et des valeurs honorables : explorons quel héritage nous a laissé le plus célèbre des chevaliers français.
Ce qui fait de l’homme un chevalier
Son arrière-arrière-grand-père mourut pour le roi à la bataille de Poitiers en 1356. Son arrière-grand-père mourut pour le roi à celle d’Azincourt, en 1415. Son grand-père mourut pour le roi à celle de Montlhéry, en 1465. Pierre Terrail, seigneur de Bayard, né en 1473 dans le Dauphiné, aurait donc pu fuir le sacrifice, mais il l’a au contraire choisi comme héritage. Dès son plus jeune âge, il est envoyé à la cour du duc de Savoie où il apprend les arts de la chevalerie. Cette éducation précoce est cruciale ; elle le façonne non seulement en tant que combattant, mais aussi en tant qu’homme de principe, armé de valeurs qui deviendront légendaires.
La bataille de Fornoue (1495) marque un tournant décisif pour Bayard. Participant à cette importante confrontation durant les guerres d’Italie, Bayard se distingue par un acte de bravoure exceptionnel : la capture d’un étendard ennemi qu’il rapporte à son roi. Cet exploit, accompli alors qu’il n’était encore qu’un simple homme d’armes, lui vaut d’être adoubé chevalier sur le champ de bataille. Cet événement symbolise la quintessence de la chevalerie : le courage au service d’une cause juste, la loyauté envers son suzerain, et l’honneur au combat. Plus tard, Bayard aura l’occasion de rendre la pareille au trône de France : selon plusieurs sources, c’est lui qui adouba en personne le roi François 1er en 1515 sur les terres encore fumantes de la bataille de Marignan.
L’ascension de Bayard et son comportement lors de la bataille de Fornoue rappellent l’importance de l’excellence et du dévouement. Dans un monde moderne souvent cynique quant aux notions d’honneur et de service, qui ne génèrent aucun bénéfice apparent, l’exemple de Bayard invite à réfléchir sur la manière dont les valeurs chevaleresques peuvent encore inspirer des comportements éthiques et courageux, que ce soit dans la gestion des affaires publiques, le leadership en entreprise, ou les interactions personnelles. Aucun argent en jeu, aucun retour chiffré sur investissement risqué … mais la confiance donnée par ceux qui verront en vous quelqu’un de fiable, attaché à la parole donnée, attentif aux faibles et intransigeant avec les forts.
« Sans peur et sans reproches »
Telle est l’expression qu’emploiera Jacques de Mailles, compagnon d’armes de Bayard, pour qualifier ce dernier. Passée à la postérité, on la trouve au départ dans son récit des exploits du chevalier sous le titre de La très joyeuse plaisante et récréative histoire du bon chevalier sans peur et sans reproche, le gentil seigneur de Bayard. Dans cette œuvre, on peut découvrir différents principes de la chevalerie portés par ce « gentil seigneur » : le courage, l’honneur, la justice, la générosité, et la protection des faibles.
Bayard s’est illustré par son courage lors de la défense du pont de Garigliano en 1503 où, seul, il résiste à des centaines de soldats espagnols pour couvrir la retraite de ses compatriotes. Cette action démontre non seulement son courage physique mais aussi l’engagement moral profond envers ses hommes. A travers ces faits, il nous apprend l’importance de tenir ses positions quelle que soit l’adversité.
Après avoir capturé un groupe de soldats lors de la même bataille, Bayard les traita avec une grande générosité, les libérant avec leurs armes. Cet acte reflète son engagement envers l’honneur, traitant les ennemis avec respect malgré les coutumes de l’époque qui auraient permis moins de clémence. De même, il a souvent impressionné ceux qui le capturaient au point qu’ils le laissaient repartir sans rançon. Ainsi, l’exemple de Bayard nous encourage à poser des actes toujours droits, même quand la facilité ou le profit pourraient dicter une autre conduite moins vertueuse.
Le chevalier était aussi connu pour sa justice et sa générosité, non seulement envers ses ennemis mais aussi envers les populations locales lors de ses campagnes. Il payait souvent de sa propre poche pour les dommages causés par ses troupes. Ces traits rappellent l’importance de la responsabilité sociale et du leadership éthique. La générosité et la justice devraient être des piliers de toute entreprise ou institution, favorisant une société fonctionnant sur des cercles vertueux.
On ne peut enfin évoquer Pierre Terrail, seigneur de Bayard, sans parler de son attitude dans la difficulté. Lorsqu’il est mortellement blessé en 1524 par un violent coup qui lui brise la colonne vertébrale, il parle en ces termes à ceux qui le poussaient à fuir : « Je n’ai jamais tourné le dos devant l’ennemi, je ne veux pas commencer à la fin de ma vie ». C’est souvent dans l’adversité que les hommes se révèlent et qu’ils trahissent leurs principes. Ou, au contraire, qu’ils montrent qu’ils y sont vraiment fidèles. La confiance accordée à ceux qui restent droits quand le vent souffle en est alors renforcée.
Le chevalier Bayard fut pleuré et enterré dignement, bien que plus tard, à la Révolution, sa dépouille fut profanée. Martyr jusqu’au-delà de sa mort, sa leçon de postérité est aussi honorable que sa vie : ne pourrait-il pas inspirer chaque homme à tendre vers l’idéal chevaleresque dans son travail, son foyer et son pays ?
Christophe de Guibert
Pour aller plus loin :
Histoire de France (J. BAINVILLE, éditions Phoenix, 1924)
Les plus belles légendes de L’Histoire du Dauphiné (E. TASSET, éditions de Belledonne, 2000)
Bayard, le « bon chevalier » (T. LASSABATERE, éditions Perrin, 2024)
Un grand merci pour ce remarquable article nous présentant un Bayard méconnu, quand bien même il a encore une petite place dans les manuels scolaires ( à vérifier ). C’est en tout cas – pour moi – un modèle à présenter aux jeunes générations en quête d’Espérance spirituelle et de rigueur intellectuelle.