Nous connaissons bien ces mots attribués à Gandhi : « Si tu veux la paix dans le monde, fais la paix dans ton cœur. » En ces temps troublés, que ce soit au niveau du monde où à l’intérieur de l’Église, il est tout de même possible de garder la sérénité et même de la voir grandir. Je voudrais partager quelques découvertes très simples que j’ai pu faire dans ce domaine et dont je goûte de plus en plus les fruits merveilleux. Cela tient en deux mots : foi et abandon.
Voir la douce main de Dieu en tout ce qui m’arrive
La perte de la paix peut certes être causée par la rudesse des événements. Mais c’est surtout le sentiment d’être seul pour vivre les perturbations de la vie ainsi que le caractère insensé de la souffrance qui expliquent nos effondrements intérieurs : « Je ne me plains pas de souffrir mais de souffrir pour rien », disait le physiologiste Claude Bernard.
Or, la foi chrétienne apporte un sens extrêmement puissant à l’insensé de nos tourments. En effet, depuis la mort et la résurrection du Christ, il n’y a pas un seul centimètre carré de l’univers qui ne soit pas habité par la victoire du Ressuscité, il n’y a pas une seule seconde de ma vie qui échappe à la présence vivifiante du Seigneur.
Pour prendre au sérieux cette vérité toute simple mais révolutionnaire, il faut commencer par un regard de foi posé sur tout ce qui nous arrive : « Dans cette rencontre qui me perturbe, dans cet événement qui m’ébranle, tu es là Jésus, plus fort que la mort, plus fort que la tempête. La Providence de Dieu, qui ne veut jamais directement le mal, est capable d’en faire sortir un plus grand bien… alors, en tout ce qui m’arrive, sans mépriser les moyens humains, je ne veux pas en rester à l’écorce des événements, dans la foi, je veux voir ta douce main et je veux rejoindre ta présence divine. »
Les saints sont des maîtres en matière de sérénité. Le paisible saint François de Sales enseigne par exemple : « Il faut avoir une grande confiance pour s’abandonner sans aucune réserve à la Providence divine […] Notre Seigneur prend soin de tout et conduit tout. […] Rien ne peut nous arriver sans que Dieu ne nous en fasse tirer du bien et de l’utilité. »
Cultiver l’abandon et vivre dans l’instant présent.
Les petits ruisseaux font les grandes rivières, dit-on. Pareillement, c’est par de multiples regards de foi posés sur les événements et par de nombreux actes d’abandon à Dieu à travers les aléas de la vie que, Dieu, le « Prince de paix » (Is 9, 5), pourra répandre en notre âme les flots de sa paix divine. Deux pistes me semblent très importantes : cultiver l’abandon et vivre dans l’instant présent.
Abandon. Si nous voulons connaître une paix toujours plus profonde, il faut cesser de résister à Dieu et à sa manière de faire avec nous : « Notre Seigneur, écrit encore saint François de Sales, aime d’un amour extrêmement tendre ceux qui s’abandonnent totalement à son soin paternel, se laissant gouverner par sa divine Providence, sans s’amuser à considérer si les effets de sa Providence leur seront utiles, profitables ou dommageables. »
L’instant présent. Une des grandes causes de nos troubles provient de ce que nous ne vivons pas vraiment dans l’ici et le maintenant. Nous sommes souvent chargés à la fois du poids du présent, des regrets d’hier et des inquiétudes de demain… c’est trop lourd pour nos frêles épaules ! Lorsqu’on n’est pas bien, si on quitte le moment présent et qu’on se projette trop loin dans l’avenir, tout paraîtra inquiétant, couleur noir d’encre et on finira par être sous la vague. Suivons les précieux conseils de la petite Thérèse. Alors qu’elle souffre de son affreuse maladie et de la nuit de la foi, elle confie : « Je ne souffre qu’un instant à la fois. C’est parce qu’on pense au passé et à l’avenir qu’on se décourage et qu’on désespère. » En nous abandonnant à Dieu dans l’instant présent, autant qu’on le peut, nous lui donnons rendez-vous au seul carrefour où Il se donne en plénitude. Tout notre être entre alors en repos profond sur ce point précis où se dépose la grâce. On ne cesse pas d’avoir mal – l’abandon chrétien n’a rien à voir avec le nirvana –, mais au cœur de la peine du moment, on s’ouvre à la grâce de paix de Notre Seigneur.
Prière du Père André Sève : « Seigneur, jour après jour, instant après instant, action après action, je rédige le roman de ma vie, je l’écris pour l’éternité. Donne-moi de vivre le plus possible chaque instant en plénitude. Cet instant que tu me donnes ne me sera jamais plus donné. Je ne veux tirer de là ni angoisse ni crispation mais le désir de ne rien gaspiller de la vie. Chaque instant est une goutte d’union avec Toi, je ne vis pas hier ni demain, je vis en ce moment. Et je te suis uni, j’ai tout. »
Père Joël Guibert
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