Il y a aujourd’hui des crises et des malheurs gigantesques : haine entre Israéliens et Palestiniens, dette financière abyssale en France et ailleurs, pauvreté rampante et galopante, guerre en Ukraine, inégalités criantes entre pays riches et pauvres, dérèglements climatiques et écologiques, etc. Votre combat est-il vraiment une priorité ?
Evidemment ! C’est même le combat fondamental ! Si on ne défend pas la vie dès son origine jusqu’à la fin, on passe à côté de l’essentiel de ce qui structure… la vie, justement. Si on ne respecte pas la vie dès l’origine, comment traiter convenablement le reste des maux qui affectent la société ? Si on maltraite la vie humaine à ses débuts comme à sa fin, comment pourrons-nous faire face aux autres défis d’aujourd’hui ? Le respect de la vie humaine n’est-elle pas la priorité sur laquelle peut se concevoir le dénouement des autres problèmes qui affectent la société française et les relations internationales ? La défense de la vie humaine est donc bien une priorité. C’est même le point d’orgue de tous les combats.
N’est-ce pas là un langage de bon catholique dans sa bulle et qui récite son « catéchisme » ?
Non, déjà Hippocrate, le « père de la médecine », disait au IVe ou Ve siècle avant Jésus-Christ : « Je soignerai toujours et je ne tuerai jamais ». La protection et le soin de la vie humaine n’est pas une question de religion même si les chrétiens, en raison de leur attachement à Jésus et du commandement de l’amour, se sont (et sont encore) inlassablement investis auprès des plus fragiles
Après des siècles de mainmise religieuse et patriarcale, la société d’aujourd’hui n’est-elle pas tout simplement mûre pour passer à un autre modèle : une plus grande liberté et une plus grande maîtrise de la vie humaine ?
La liberté n’est pas une liberté de tout faire. Autrement, ce serait sordide et le monde serait invivable… Le respect des plus vulnérables doit être un degré éminent de civilisation et pas une variable d’ajustement. Au Moyen-Age, le nec plus ultra de la virilité était de défendre la veuve et l’orphelin. Au XXIe siècle, les chevaliers modernes se doivent de défendre l’enfant à naître et les vieillards ou les personnes en fin de vie.
Vous sentez-vous, vous et les hommes de votre association, investis de cette mission de « chevaliers des temps modernes » ?
Non. On cherche simplement à servir avec humilité une cause qui nous dépasse. Nous sommes des personnes qui refusons que soient mis à mort des innocents. Tout simplement.
Mise à mort ??!!! Vous allez un peu loin, là… L’embryon c’est juste un tas de cellule, non ?
Non, c’est une promesse ! Cela, quelles que soient les croyances. Et pour les chrétiens, c’est un don et le fruit de la Création. Effectivement, au départ, ce sont des cellules qui se développent. Mais elles contiennent l’ADN et toutes les potentialités de la personne. Ce sont des cellules humaines et pas d’animal. Comme une maison dont vous détruisez les fondations, la vie humaine s’effondre et laisse place à la mort lorsque vous détruisez ou supprimez ce qui la structure.
Mais lorsqu’une grossesse survient et qu’on n’y est pas prêt, ou qu’on ne la voulait pas, que faire ?
C’est tout l’intérêt de la prévention et de l’accompagnement qui devraient être au cœur de la politique familiale. Au lieu de cela, la France use et abuse du recours à l’IVG qu’elle veut désormais constitutionnaliser. Comme si cet acte grave était une priorité ! Bien sûr, parfois, accueillir un enfant c’est compliqué, ça peut déranger. La France a signé des conventions internationales (par exemple, celle du Caire en 1994) qui lui demandent de déployer des politiques publiques de prévention. Où sont-elles ces politiques ? Quelles sont les politiques familiales qui aident les femmes enceintes et en détresse ainsi que les couples ? Deuxième chose, que fait l’Etat en matière d’éducation affective et sexuelle responsable ? Au lieu de véritable éducation, on prône – jusque dans les établissements scolaires – la contraception ! Or, chacun peut constater que plus on a de contraception, plus on a d’avortement : on a une corrélation directe.
Toute la classe politique et tous les médias mainstream sont en faveur de l’avortement et les Français, en moyenne, sont indifférents ? La digue pro-avortement semble incassable. Le combat en faveur de la vie n’est-il pas dès lors perdu d’avance ? A quoi bon se battre ?
Le consensus national sur la question de l’avortement n’est qu’apparent. Un sondage réalisé pour l’association Alliance Vita en octobre 2020 a montré que 73% des Français estimaient que la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l’IVG. Les Français restent donc conscients que l’avortement est un mal à éviter.
Ce sondage indique aussi que 88% des Français souhaitent mieux comprendre les causes et les conséquences de l’avortement.
Les conséquences sont catastrophiques, notamment sur la santé publique. C’est d’abord un drame pour la femme puisqu’aujourd’hui les études montrent qu’une femme sur trois fait une dépression après un avortement. Mais l’homme, dont la compagne ou la conjointe recourt à l’IVG, est lui-même directement affecté : certains hommes ont des troubles psychiques ou psychologiques entraînés par l’acte abortif. Ils tombent parfois dans la dépression. D’autres indices montrent l’impact de l’IVG sur la santé publique. Par exemple, le risque aujourd’hui pour une femme de contracter un cancer du sein est de 12%. Si elle pratique un avortement, le taux monte à 18%. L’avortement a donc un impact direct sur la santé des femmes et des hommes. Mais cet impact est mis sous le tapis : on ne veut pas en entendre parler.
Il y a aussi l’impact démographique…
Effectivement. Le seuil de renouvellement des générations, autrement dit le nombre moyen d’enfants par femme nécessaire pour que chaque génération en engendre une suivante de même effectif, est vital pour un pays. Or, ce niveau de remplacement est atteint dans les pays développés lorsque les femmes ont environ 2,1 enfants. En 2022, ce seuil, en France, était de 1,8. Et en 2023, le chiffre vient de tomber : on est à 1,68. Avec cet effondrement de la natalité par femme, comment la France va-t-elle pouvoir faire face à l’avenir ?
Pourtant, le désir d’enfant reste fort en France, non ?
Apparemment. Et heureusement. Une étude récente de l’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF) établit que le nombre moyen d’enfants que les individus veulent ou auraient voulu avoir est de 2,39. On voit donc bien l’écart qu’il y a en France entre la fécondité réelle, en moyenne, et la fécondité espérée. Ce n’est pas en prônant l’avortement qu’on résoudra cette souffrance. Aujourd’hui, il n’y a pas de majorité politique pour revenir sur l’avortement. Mais il pourrait y en avoir une pour agir avec humanité (politiques préventives, éducation responsable, accompagnement…).
Comment se fait-il que la France soit si affectée par l’avortement ?
La loi Veil de 1975 a ouvert les vannes. Depuis, on a eu plus de dix millions de vies supprimées !
Pourtant, cette loi était sous-tendue par une bonne intention : faire cesser les avortements clandestins. Près de 300 000, selon Simone Veil…
Ce chiffre n’est pas fiable puisqu’aujourd’hui on arrive à 230 000 avortements légaux et « médicalisés ». Je ne vois pas comment il pouvait y en avoir 300 000 dans les années soixante-dix alors que l’avortement était pénalisé… Depuis la loi Veil de 1975, tout a volé en éclat et je ne pense pas que les femmes – et les hommes – soient plus heureux et épanouis aujourd’hui. Il y a eu comme une spirale jamais jugulée.
C’est-à-dire ?
Au départ, l’IVG n’était pas remboursée. Puis on a voté le remboursement à 70% et ensuite à 100%. Par ailleurs, on a voté un délai pour avorter de dix semaines, puis de douze semaines, puis de quatorze semaines. Il y avait un délai de réflexion avant de pratiquer l’acte, on a supprimé ce délai. L’autorisation des parents était obligatoire pour les mineures, on l’a supprimée. Tout a donc bel et bien volé en éclat.
Aujourd’hui, le pouvoir veut constitutionnaliser l’avortement…
C’est indécent quand on sait la souffrance qu’un acte abortif engendre et les conséquences dramatiques sur la santé publique et la démographie ! Pour reprendre ce que vous constatiez au début de l’interview, à savoir que le monde « brûle », que nous avons 3000 milliards de dettes, des problèmes de sécurité, d’éducation, que le système hospitalier est en crise, et bien, la priorité de notre gouvernement est de sanctuariser l’avortement dans la Constitution et de faire passer l’euthanasie !
Vous êtes quelques milliers à marcher pour la vie à Paris. C’est le combat de David contre Goliath. David a été victorieux de Goliath mais en se servant d’une fronde. C’est quoi, vous, votre fronde pour gagner la bataille de la vie ?
A vue humaine, la situation est en effet assez désespérée. Il faut donc que tous les hommes et les femmes de bonne volonté se forment, comprennent les enjeux et s’investissent dans les associations qui portent la défense de la vie. La Marche pour la vie n’est que l’aile marchante des association pro-vie. Les jeunes ménages, les jeunes couples – et les hommes ! – doivent s’investir dans ces associations qui prennent soin de la vie humaine à ses débuts ou à sa fin (soins palliatifs). La formation des jeunes, comme ce qui se fait à la « Lejeune académie » (du nom du professeur Jérôme Lejeune, NDLR), est cruciale car ces jeunes sont les futurs leaders de demain. Le changement dans ce débat sur la préservation de la vie humaine ne viendra que si, individuellement et collectivement, nous nous investissons. Ce n’est pas à un média comme le vôtre que je vais rappeler que le monde a changé avec douze hommes : les douze apôtres du Christ. Aujourd’hui, nous ne sommes pas douze, mais des milliers !
On est un peu pris de vertige par rapport au travail que ça demande… !
Oui, mais imaginez s’il n’y avait aucune contestation à la mentalité abortive : quel serait ce monde ? La sagesse populaire dit : « Qui ne dit mot consent ». Consent-on à ce monde-là et à ses injustices ? Si nous ne sommes pas les héraults et les promoteurs du respect de la vie humaine, qui le sera ?
… quitte à être vus comme des fachos et des gens d’extrême-droite ?
En montrant que nous ne faisons que défendre la vie humaine et les plus vulnérables de façon pacifique, il n’est pas difficile de balayer cette attaque sémantique. Et puis, préfère-t-on vivre pépère ou être complice ? N’oublions pas qu’à la fin de notre vie, nous nous demanderons : « Qu’ai-je fait de ma vie ? »
La priorité pour un homme, c’est quand même avant tout d’être bon mari, bon père, d’accomplir son travail et ses responsabilités avec honnêteté et conscience, non ?
Le devoir d’état est bien sûr la priorité : il faut avant tout faire le bien là où nous sommes, dans notre famille et dans notre travail. Mais je pense qu’il faut que les hommes s’investissent quand même et s’engagent au-delà du cercle immédiat. Le monde et la France en ont besoin.
Avez-vous une phrase ou une citation qui vous porte dans votre engagement ?
Le professeur Jérôme Lejeune qui fut un grand chercheur, un grand scientifique et qui risqua sa réputation pour soigner les enfants trisomiques, disait : « Quoiqu’il arrive, nous n’abandonnerons jamais ! ». Cette parole prononcée par un tel monsieur permet de garder conscience de l’enjeu de la vie humaine à notre époque.
Propos recueillis par Joseph Vallançon
+ d’infos sur : https://enmarchepourlavie.fr/
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