Notre Hexagone chéri se trouve dans une situation délicate : des comptes publics sous pression, avec peu ou pas de marge de manœuvre en raison d’une dette hors de contrôle. Or, qu’est-ce que la dette ? C’est l’impôt après l’impôt, c’est l’impôt qu’on ne voit pas, celui qui n’est pas prélevé sur nos comptes aujourd’hui, mais viendra assurément nous appauvrir plus tard, soit nous soit nos enfants. La France a hissé les prélèvements fiscaux au plus haut niveau mondial, et même au-delà avec 3 300 milliards d’euros de dettes – les fameux « impôts de plus tard ».
Une question de fond simple
Il est question aujourd’hui de maintenir ou élever l’âge de la retraite, avec autant d’arguments brandis de part et d’autre, en général en fonction des intérêts de celui qui les profère : l’employé de Bercy est très favorable à une retraite tardive, avec les prélèvements additionnels qu’elle générerait ; alors que l’employé ou l’ouvrier préfère son repos à 60, voire moins. Augmenter les impôts ? l’âge de la retraite ? baisser les pensions ? Nul ne sait ; mais il faudra faire quelque chose. Alors, quelles sont nos options ?
Dans le torrent d’arguments, plus ou moins valides, il peut être difficile de s’y retrouver. La question de fond, elle, demeure assez simple : allons-nous privilégier notre confort de vie et laisser la note à nos enfants ou allons-nous faire le ménage dans notre propre génération pour laisser une situation vivable à celles futures ? Il reste peu d’options pour l’équilibre financier de notre pays, dont aucune n’est confortable.
Les cinq options sur le tapis
La première consiste à ne rien changer : faire l’autruche fiscale, dépenser davantage d’argent que l’on n’en a et mettre la note discrètement à nos enfants – tout en espérant que la situation ne nous explose pas au visage mais à celui de nos enfants et petits-enfants. Navrant, mais probable.
La seconde option n’en est pas une : augmenter les prélèvements fiscaux. Nous sommes déjà les champions du monde et il ne reste presqu’aucune marge de manœuvre. De plus, Bercy augmenterait probablement les dépenses à la suite d’un nouvel impôt, plutôt que s’en servir pour assainir les comptes.
La troisième est tentante mais toute aussi fausse : taxer les riches. Cette solution qui plaît à l’extrême-gauche ne résiste pas à l’arithmétique. Détrousser chaque milliardaire de France jusqu’au dernier centime nous rapporterait environ 600 milliards, c’est-à-dire moins d’un cinquième de notre dette et à peine une année de dépenses.
La quatrième est radicale : faire défaut. Appeler tous nos créanciers et les informer que nous ne les rembourserons tout simplement pas. La Russie a joué cette carte après la révolution de 1917. Dans les années qui suivirent, un nombre estimé entre 3 et 5 millions de personnes périrent de faim. Option, par conséquent, très chère et peu recommandable.
La cinquième plaît à la droite : réduire le nombre de fonctionnaires. Possible, mais peu réaliste – d’autant que la charge de la fonction publique, toute énorme qu’elle soit, pèse peu dans la balance globale. Une réduction drastique de la fonction publique entraînerait des conséquences sociales violentes et un bénéfice assez léger sur la situation d’ensemble.
Alors ? N’y a-t-il plus d’espoir ?
Encore un effort, mais dans le même sens
Que l’on ne s’y trompe pas, faire le ménage fiscal n’aurait rien d’aisé. Mais nous pourrions choisir l’effort, plutôt que subir le coup de rabot. Il faudrait pour cela accepter (voire choisir) une retraite bien plus tardive, des congés plus courts, des indemnités chômage moins durables, des congés maternité plus courts, etc. Il faudrait aussi, pour que tous ces efforts bénéficient vraiment à nos enfants, que Bercy ne voie pas ces efforts conséquents comme une nouvelle marge de manœuvre fiscale bien confortable pour dépenser encore plus – l’électorat devrait être intraitable à ce sujet. Il faudrait peut-être même que, en sus de nos prélèvements déjà élevés, les actifs actuels choisissent de verser des sommes supplémentaires et « volontaires » plutôt que partir en vacances ou acheter une voiture neuve alors que l’ancienne fonctionne toujours.
L’option des Evangiles
Les Évangiles peuvent se lire dans tous les sens, et il existe mille manières de suivre le Christ. Mais aucune d’entre elles n’incite à vivre aux dépens de l’autre. La Bonne Nouvelle invite chacun à la joie, à la paix et même à la jouissance, mais jamais de manière irresponsable. Tout confort ou plaisir au détriment d’autrui est haïssable au christianisme : prostitution, esclavage, violence… C’est pour cela qu’on peut s’enrichir mais pas voler ; on peut faire l’amour mais pas violer ; on peut rire mais pas se moquer.
On peut s’interroger, à une époque où l’on entend la question écologique et rhétorique « mais quel monde allons-nous laisser à nos enfants », quant à l’intérêt de laisser un monde décarboné à nos enfants tout en les criblant de dettes. Est-ce à dire que traiter notre planète, qui sera aussi la leur, avec respect n’est pas un objectif noble ? Assurément pas. Mais nos enfants savoureront peu nos efforts environnementaux lorsque nous les aurons plongés dans la pauvreté parce que nous ne voulions pas trop travailler.
Si notre génération choisissait de faire face, de rompre le cycle d’irresponsabilité fiscale dont nous-mêmes avons hérité avant de l’aggraver, de refuser de réduire nos enfants en esclavage fiscal, ce serait un acte de douce folie. Le chemin serait ardu, long et frustrant. Il demanderait mille efforts : politique, économique, de temps de travail. Mais ce choix, aussi fou soit-il, de s’appauvrir terriblement au profit de ceux qui n’ont pas encore de voix, faute d’être nés encore, pourrait plaire à Celui qui tout donna pour les générations à venir.
Adrian H. Brown
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