Ils sont près de quarante venus d’un peu partout en France et pas seulement de l’Ouest. Quarante hommes de tout âge (le plus jeune a 25 ans, le plus vieux approche peut-être des 80 ans) sont là, au Prieuré d’Ardevon, bâtiment médiéval fraîchement restauré pour les pèlerins du Mont-Saint-Michel situé à quelques kilomètres seulement.
Deux hommes sont venus de l’étranger : un des pays nordiques (installé là-bas pour des raisons professionnelles), un autre de Suisse.
Ils sont venus ici pour une chose : renouer avec le fil de leur vie. Renouer avec leur « métier d’homme ».
Ces hommes ne se connaissent pas. Sauf deux ou trois venus accompagnés d’un ami ou d’un proche.
Très vite ils vont faire connaissance. Sébastien, l’un des trois organisateurs du camp de l’association « Au cœur des hommes » invite chacun à dire pourquoi il est venu ici.
Sans fausse pudeur, avec franchise, chacun évoque sa situation et le besoin qui est le sien de retrouver son rôle d’homme, dans son couple, dans sa famille, dans son métier ou en société.
La plupart porte des choses lourdes : addiction, perte de repères, séparation conjugale, difficultés professionnelles, crise personnelle. Ce sont des hommes ordinaires et ils ne sont pas suivis par les services sociaux, ils n’ont pas de casier judiciaire, ce sont les hommes « de la porte d’à côté ». Des quidams comme vous et moi. Et ils sont venus ici, dans ce coin de La Manche (Normandie), à la frontière de l’Ille-et-Vilaine (Bretagne) essentiellement pour une chose : renouer avec le fil de leur vie. Renouer avec leur « métier d’homme ». Vaste programme !
Et pourtant, dès cet accueil de la session « Au Cœur des Hommes » d’avril 2025, dans la chaleur du printemps normand, chacun sent qu’il n’est plus seul avec ses problèmes, ses difficultés, ses drames ou ses fissures intérieures. Le voisin d’à côté qu’on avait jusque-là jamais rencontré porte, lui aussi, un gros fardeau. Des gros doutes. Des questions profondes. Dès lors, le décor est posé. Mais pour l’instant personne ne sait ce qu’il va tirer ou retirer du camp. Personne ne connaît le programme et le déroulé jusqu’à dimanche. Reste un peu moins de trois jours pour le découvrir…
Apéro. Chacun fait connaissance autour d’une bière et d’apéritifs à grignoter. La camaraderie s’installe. Repas. Les échanges se poursuivent autour de mets un brin décevants. Qu’importe : on n’est pas tant là pour se bourrer la panse que pour se redécouvrir en tant qu’homme.
Ça tombe bien. Après dîner, le premier topo du camp éclaire les participants sur ce qui a pu déformer le développement harmonieux de leur vie personnelle depuis leur naissance. Car tout homme est blessé par la vie. Tout homme naît avec des blessures. Il s’agit d’en prendre conscience maintenant pour les accueillir et les surmonter. Un topo tout simple que nous ne pouvons détailler ici, les organisateurs ayant demandé à la fin du camp de ne pas dévoiler le contenu pour laisser aux futurs participants le soin de découvrir par eux-mêmes la session et les activités. Histoire d’apprendre aux futures « recrues » qu’on ne peut pas tout maîtriser et qu’il faut apprendre à lâcher prise. Bref, on ne va pas retracer ici tout ce qui se fait dans ces camps « Au cœur des hommes », histoire d’être loyal. Peut-être que ça commence par cela, être un homme : demeurer loyal…
Après le topo, direction le parc extérieur : au milieu de la pelouse qu’on n’aperçoit plus verte (puisqu’il fait nuit), un feu est allumé. Une cérémonie aux flambeaux formalise l’entrée dans le cercle des hommes, de ceux qui choisissent de l’être. On ne vous en dit pas plus. A vous de découvrir.
Il est déjà tard. Après cette entrée en matière qui reprend les codes du scoutisme et de la chevalerie, la plupart vont se coucher. Quelques-uns préfèrent échanger auprès du feu et autour d’une bière…
Les deux jours suivants, le camp battra son plein puisque du matin au soir alterneront prières, messe, topos intellectuels ̶ simples et abordables ̶ pour percevoir la vocation de l’homme, en particulier celle de l’homme chrétien, sport, détentes, traversée de la baie du Mont-Saint-Michel, etc.
Ce n’est pas une retraite spirituelle. Mais la présence d’un prêtre pendant toute la durée du camp favorise les temps de piété. Le « padre » lui-même chaussera ses gants de boxe à l’occasion des combats organisés entre les participants. Et oui, le noble art est au rendez-vous des camps « Au cœur des hommes ». Histoire d’apprendre à recevoir des coups et à en donner à l’image de la vie qui nous cabosse parfois. Sébastien, l’instructeur, a bordé les choses pour éviter les dérapages. Les plus jeunes comme les septuagénaires s’y mettent à cœur joie. En binôme équilibré selon l’âge et le niveau physique.
Après chaque topo, un échange en petit groupe permet de partager son expérience autour du thème abordé. Pour permettre une parole plus libre et franche, les groupes d’échanges fraternels ne peuvent accueillir en leur sein deux personnes qui se connaissaient déjà avant le camp.
« Chacun retourne chez soi avec dans ses bagages et dans son cœur de nouvelle raisons de se battre. »
Le dernier jour, dimanche, tôt le matin, avant la messe finale au sommet du Mont-Saint-Michel au sein même de l’abbaye desservie par les moines et moniales des Fraternités de Jérusalem, la prise d’engagement de chaque participant achève le « rite » de la session : « Moi, Paul, moi, Valentin, moi Thomas… je m’engage à … » Mûri par les 48h passées ensemble, cet engagement solennise l’entrée (ou le retour) dans sa vie d’homme de chacun.
Retour au prieuré d’Ardevon pour déjeuner et ranger le dortoir et ses affaires. En observant le sourire de chacun et les rires, on mesure à quel point une fraternité s’est construite entre ces hommes qui, à deux exceptions près, ne se connaissaient pas du tout. Surprenante alchimie : en un peu plus de 48h, une magnifique osmose s’est installée entre toutes les générations et tous les milieux. Quel que soit l’âge, le style ou l’état de vie, chacun sait qu’il n’est plus seul et qu’il pourra désormais compter sur les prières de ces nouveaux frères d’âme et sur leur aide.
Le camp est terminé. Adieux. On se promet de garder le contact avec les uns et les autres. Chacun retourne chez soi avec dans ses bagages et dans son cœur de nouvelles raisons de se battre. De nouvelles raisons de croire que la victoire sur soi-même et dans ses épreuves est possible. Du haut du Mont, Saint Michel veille…
Joseph Vallançon
Pour aller plus loin, visitez le site internet Au cœur des hommes
Témoignages recueillis sur le vif à la fin du camp
Christophe, 53 ans, Ile de France : « Ce camp m’aura aidé à prendre conscience de ce que je suis réellement en tant qu’homme ».
Thomas, 46 ans, Bretagne : « J’ai compris que Dieu me faisait confiance ».
Cyril, Pays de la Loire: « La prise d’engagement au Mont-Saint-Michel a été un moment exceptionnel ! »
0 commentaires