Les Japonais d’aujourd’hui veulent vivre. Comme tout un chacun… Vivre bien de préférence, évidemment. Mais le Japon, lui, ne veut plus vivre. Depuis les années soixante-dix, après une forte résurgence liée à la fin de la guerre, la natalité s’écroule au point où la question se pose de la survie du peuple japonais en tant que nation. Pas d’enfants, pas d’avenir, aussi simple que cela.
La Norvège… sans Norvégiens
Les Norvégiens de la même époque choisirent une autre voie pour leur avenir, leurs enfants et leur nation. A cette époque, la Norvège commença à produire du pétrole, ce qui transforma un pays de pauvres pêcheurs en l’une des nations les plus riches du monde en quelques décennies. Leur choix fut radical : nous ne toucherons pas un sou des ventes de pétrole, ni ne consommerons cette richesse. A la place, nous alimenterons un gigantesque compte épargne, appelé fonds d’investissement souverain, qui servira aux générations futures. Aujourd’hui, tout enfant norvégien qui naît est immédiatement et symboliquement propriétaire de près d’un demi-million de dollars. Hélas, malgré un avenir soigneusement préparé par les anciens, les Norvégiens d’aujourd’hui ont suivi la tendance occidentale et ne font plus d’enfants. A quoi bon deux billions de dollars de réserves pour les Norvégiens s’il n’y a plus de Norvégiens ?
Est-ce une obligation de se reproduire ? Non, pas à proprement parler. Ni à l’échelle collective, ni à l’échelle individuelle. Si une personne se sent incapable d’accompagner un enfant à travers la vie, il serait malheureux de l’y forcer. L’amour (d’un enfant ou d’un peuple tout entier) ne peut être contraint. Assurer sa descendance est, en revanche, un choix qui doit être assumé.
Le confort avant tout
C’est bien nous, peuple français d’aujourd’hui, qui avons fait le choix de limiter à 1,6 enfants par couple, la gêne liée aux enfants, pour ne pas trop mordre dans le budget vacances. C’est bien nous qui attendons 31 ans pour devenir parents, quand notre grand-mère enfantait à 23 ans de son puiné. C’est bien nous qui avons adopté ces si pratiques moyens de contrôle de la fertilité : cela évite les surprises. Soit, c’est notre choix.
Mais alors ne jouons pas les étonnés devant le fameux « grand remplacement », pour ceux qui sont adeptes du thème. Si nous nous effarons de la disparition de notre nation telle que nous la connaissons, il n’est nul besoin d’agiter des pancartes, d’aboyer sur des plateaux-télé ni de rejoindre des groupuscules. Si on est effrayé par la perspective du grand remplacement, il faut retrouver sa femme, dans l’intimité d’un lit. Quelques mois plus tard, les premières bribes de solution au grand remplacement pourraient sans doute tomber du ciel dans vos bras.
Ne nous lamentons pas de l’effondrement de notre sécurité sociale. Le système de retraite « par répartition » n’a jamais été secret pour personne et quelques minutes de réflexion permettent de comprendre qu’il faut des jeunes pour financer les retraites des anciens. Mais nous n’avions pas envie d’un deuxième ou d’un troisième. Parce que c’est fatigant, les enfants. Parce qu’on serait trop serré dans l’appartement. Parce que ça abîme les seins et ça fait grossir. Soit, nous aurons vécu dans le confort plutôt que dans l’amour. Mais il faut maintenant assumer ces choix.
Face à nos choix
Ne feignons pas la surprise devant les désolants phénomènes de société, tels que l’isolement, la dépression ou la vieillesse en EHPAD. Les enfants sont épuisants, pénibles et coûteux, c’est vrai, si tant est que l’on s’en occupe. Mais ils sont aussi une raison d’être, une belle chose à laisser au monde quand on part dormir chez le bon Dieu. Ils sont un formidable antidépresseur, à les voir grandir et devenir, car on ne peut simultanément se sentir déprimé et fier. Ils sont une garantie contre la solitude quand, une fois retraité, on organise sa vie pour continuer à les soutenir. Dubitatif ? Si vous avez des petits-enfants, proposez à leurs parents de garder les petits tous les mercredis, ainsi que les vendredis soir pour que leurs parents puissent dîner en amoureux tranquillement, et se mettre sous la couette autrement que de manière expéditive et clandestine, entre deux tâches domestiques. Il sera alors fort improbable qu’on vous réponde : « Non merci, Papa, nous te laisserons tout seul dans ta maison. »
Les nations florissantes d’aujourd’hui ne sont pas le fruit des peuples d’aujourd’hui, mais de leurs aïeux. Il y a ceux qui ont œuvré dur, ont sacrifié, et ont offert aux générations à venir, quitte à se priver un peu pour ces petits que nous ne connaîtrons pas mais pour qui on laissera tout de même quelque chose. Et il y a ceux qui ont mangé le gâteau et n’ont pas invité de nouveaux convives à la fête. C’est un choix, faisons-le nôtre.
Adrian H. BROWN


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