
Mes chers amis,
De toutes les énigmes offertes à notre contemplation, aucune ne surpasse celle de l’amour. Ce mot unique, si souvent galvaudé, si mal compris, renferme en lui le mystère même de la vie, car il est, avant toute chose, relation. Et la source même de toute relation, de tout amour authentique, jaillit éternellement du sein même de la Trinité.
L’amour Trinitaire seul chemin vers la charité
La Trinité n’est point une abstraction lointaine, réservée aux spéculations arides des théologiens. Elle est, au contraire, le cœur battant de l’Amour même, l’origine et le terme de toute relation véritable. En Dieu, tout est don, tout est accueil, tout est fécondité. Le Père engendre éternellement le Fils, non dans une antériorité temporelle, mais dans l’éternité du don absolu. Le Fils, en retour, reçoit tout du Père et se donne tout entier à Lui. Et de cet échange sans reste, de cette extase divine, procède l’Esprit Saint, souffle d’amour et lien vivant. Ainsi, aimer, en Dieu, c’est ne rien garder pour soi ; c’est se perdre pour se retrouver dans l’autre, exister en plénitude dans la communion. Par ce mystère trinitaire, nous comprenons que notre être même est relation : nous ne sommes qu’à travers le regard créateur de Dieu posé sur nous. Notre existence n’est pas première ; elle est réponse, écho, fruit d’un appel éternel. Voilà la source, le modèle, l’archétype de tout amour humain : l’homme n’aime vraiment que lorsqu’il reflète, à sa mesure, ce mouvement éternel de donation réciproque et féconde.
Et pourtant, quel trouble nous saisit lorsque nous constatons que notre pauvre langue n’a qu’un seul mot — « aimer » — pour dire tout à la fois la légèreté d’un frisson et la grandeur d’un sacrifice ! Faut-il s’en plaindre ? Peut-être pas. Car ce dépouillement lexical révèle un mystère plus profond : l’amour, le vrai, ne se comprend que dans la relation. Il n’existe pas à l’état solitaire, isolé, abstrait. Il est toujours communion, toujours offrande, toujours lien. Ainsi, même lorsque les objets changent — j’aime le chocolat, le football, mes enfants, ma femme, les belles automobiles ou la lumière du matin —, la dynamique demeure : un mouvement vers l’extérieur de soi, un élan de l’âme vers ce qui, au dehors, éveille en elle une réponse. Toutes ces formes d’amour puisent à la même source unique et différenciée : l’élan trinitaire. Sans lui, le mot « aimer » se vide de son poids, devient fade, insignifiant. Mais habité par la Trinité, il recouvre toute sa noblesse, toute sa gravité. Il devient le sceau divin apposé sur nos relations humaines, la trace ineffaçable du Dieu qui Se donne.
C’est selon cette logique d’amour que Dieu crée l’homme : « Faisons l’homme à notre image ». Il le façonne pour la communion, non pour la solitude. De la côte d’Adam, Il tire Ève : deux êtres distincts, appelés à l’unité sans fusion. Comme en Dieu, la vraie communion respecte l’altérité. L’homme et la femme sont appelés à une union féconde où chacun reste pleinement lui-même, dans un don réciproque et libre. Et cette logique d’amour se prolonge dans la création tout entière. Rien n’est fait pour être possédé ou dominé, mais contemplé, honoré, aimé. L’homme reçoit le monde comme un don, non comme une proie. Il en est l’intendant, non le maître. Chaque fleur, chaque oiseau, chaque paysage est une invitation à l’émerveillement et à l’action de grâce.
Le narcissisme de nos sociétés occidentales : repoussoir de l’amour
Pourtant, notre époque, en idolâtrant l’égoïsme et la satisfaction immédiate, défigure cette réalité sublime. Elle réduit le désir du corps à la consommation effrénée d’images et de sensations, vidant l’intimité de toute profondeur véritable. L’affection se réduit à des amitiés numériques, superficielles, incapables d’endurer la moindre épreuve ou conflit. Quant à la charité, elle est diluée en un sentimentalisme vague qui préfère les émotions aux actes réels d’amour.
Face à cette pauvreté tragique, contemplons le Christ, image parfaite de la Trinité. Contemplez le dans la crèche : le Dieu éternel choisit la pauvreté, la dépendance, la fragilité d’un nourrisson. Il ne s’impose pas, Il se livre. Cet amour-là est la vraie force : celle qui préfère la vulnérabilité au contrôle, la miséricorde à la puissance. Voilà la virilité véritable : celle qui ne cherche pas à dominer mais à se donner. Une force humble, offerte, crucifiée. Une force qui aime jusqu’au bout. Mais aussi, voyez-le à Gethsémani, confronté à la peur de la mort, au poids écrasant du péché humain, choisissant pourtant d’aimer jusqu’au bout. Voyez-le devant Pilate, bafoué et humilié, préférant souffrir plutôt que d’abandonner l’humanité à sa misère morale. Voyez-le enfin sur la croix, pardonnant à ses bourreaux, donnant jusqu’à son dernier souffle par amour total et radical. Cet amour-là, cette charité trinitaire incarnée, est la seule force capable de sauver le monde, de restaurer l’âme humaine, de briser la tyrannie de notre médiocrité.
L’amour du Christ comme boussole
Alors, comment aimer en vérité ? En prenant le Christ pour modèle, pour ami. Il est l’homme parfait, et son amour est sans faille. Jamais il ne flatte, jamais il ne méprise. Il relève la femme adultère et l’appelle à la conversion. Il pleure Lazare et le rend à la vie. Son amour ne cherche ni retour ni avantage : il est vérité pure, il est perpétuelle relation !
C’est cet amour que nous devons apprendre, mes frères. Que vous soyez père, époux, ami ou prêtre, votre mission est la même : aimer comme le Christ. Aimer jusqu’au bout, sans calcul ni lâcheté. Cela exige d’être fort, de dire la vérité quand elle dérange, de poser des limites, de renoncer à soi-même pour le bien de l’autre.
Mais aimer à la manière du Christ n’est pas une faiblesse molle. Son amour élève et convertit. Il ne fige pas l’homme dans sa misère, il l’en sort. Aimer vraiment, c’est combattre nos égoïsmes, résister à la facilité, ne pas fuir le conflit au nom d’un faux apaisement. Le Christ n’a jamais hésité à reprendre, à confronter, parce que son amour visait le salut, non le confort. Aimer comme Lui, c’est aussi oser dire non à celui qui se perd, enseigner ce qui est juste même au prix de l’incompréhension. Ce n’est pas renoncer à la justice au nom de la douceur. La charité vraie ne ment pas : elle éclaire, elle sauve, elle porte une croix.
Nous entrons ici dans un nouveau combat : apprendre à être virils face aux autres. Car aimer, ce n’est pas s’écraser. C’est tenir bon dans l’épreuve, dire non par amour sans jamais couper la relation, se faire roc sans avoir un cœur de pierre.
Un défi pour cette semaine
- Posez-vous la question : mon amour est-il don comme l’amour Trinitaire ? Ou calcul ?
- Identifiez un domaine où vous vous aimez plus que vous n’aimez l’autre.
- Interrogeons-nous cette semaine sur la vérité et la profondeur de nos relations. Qu’elles deviennent un reflet fidèle de cet amour divin, éternel et parfait.
Mes frères, il n’y a pas de plus grand combat que d’apprendre à aimer en vérité. Que le Christ, modèle de toute virilité, vous apprenne à aimer comme Lui. Que la Trinité nous fasse entrer dans la gloire de son amour, que notre vie devienne le témoignage héroïque de ce mystère divin qui est relation absolue.
Fraternellement vôtre,
Dr XY
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