Les saints qui ont fait la France : bâtir une nation sur le roc

par | 12 Août 2025 | Croire | 0 commentaires

« Les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ; la maison ne s’est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc. » (Matthieu 7, 25). La France, avant d’être une puissance militaire ou diplomatique, a été édifiée par des bases solides. Cependant, ses premières fondations n’ont pas été creusées par des ingénieurs, mais par des hommes à genoux.

Trois saints se sont tenus aux carrefours de l’histoire naissante de notre nation, chacun pour empêcher que l’édifice ne repose sur le sable : saint Denis, saint Martin, saint Vigor (nous n’évoquerons pas à nouveau saint Rémi, qui fit l’objet d’un article à découvrir ici. Ces hommes furent comme trois piliers  et trois vertus : force, tempérance, prudence. Rendons leur hommage et sachons nous en inspirer pour notre propre construction.

Saint Denis — Le roc au cœur de la Cité

IIIᵉ siècle. Lutèce (qui deviendra Paris) est une ville comme tant d’autres dans l’Empire romain : dissipée, commerciale, superstitieuse et adepte du druidisme. Rien ne la destine à devenir la capitale d’un royaume chrétien, et pourtant le pape Fabien y envoie un évêque : Denis. Il prêche dans les rues, convertit les pauvres, guérit les malades et fonde une Église, détruisant des statues païennes sur son chemin.  Certains habitants, furieux, obtiennent sa condamnation : Il est arrêté, torturé, décapité à mi-pente de Montmartre (d’où l’étymologie probable Mons Martyrum, le mont des martyrs).

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car il est dit qu’il se redresse, saisit sa tête, et marche. Il marche en silence, tenant entre ses mains sa propre face. Six kilomètres plus loin, il expire enfin, arrivé à l’endroit où sera érigée la basilique éponyme. Cette image transfigure la Force contre laquelle même la mort ne peut rien : non pas la brutalité, mais la persévérance invincible de celui qui sait pour quoi il meurt.

« Le juste, même après sa mort, est vivant » (Sagesse 4,7).  Parce qu’il a bâti avec la foi et son propre sang, sa mort devient la première pierre d’une cité chrétienne, et le premier souffle de la fille aînée de l’Église. Son exemple nous interroge : et nous, sur quoi bâtissons-nous ? Sur nos intérêts et nos inconséquences, ou bien sur la croix — même quand elle est un fardeau ? Pour bien choisir, il est utile d’associer à la force une autre vertu : la paix intérieure, enseignée par saint Martin.

Saint Martin – La douceur plus forte que les armes

IVᵉ siècle. L’Empire romain se fragilise, les provinces s’agitent : la Gaule est encore rurale, païenne, violente. C’est alors que Martin, soldat impérial, choisit un autre chemin. À Amiens, un soir d’hiver, il partage son manteau avec un pauvre (qui lui apparaîtra en songe comme étant le Christ lui-même). Geste simple, mais fondateur : Martin vient d’enraciner la charité active dans une terre violente.

Quittant l’armée, il se met au service d’un autre empire, celui du Christ, avec des armes nouvelles : la prière, la pauvreté, l’exemple.  Il s’installe d’abord en ermite, puis fonde le premier monastère connu de Gaule à Ligugé, marquant ainsi l’entrée du monachisme dans le paysage spirituel français. Ce mode de vie – travail, silence, prière – influencera durablement l’organisation religieuse et sociale du pays. Appelé à devenir évêque de Tours, il accepte malgré lui, restant moine dans l’âme. Il refuse les fastes, visite les campagnes, combat les superstitions. Il déploie une pastorale de proximité et de charité.

À travers lui, la foi chrétienne passe du centre à la périphérie, de la doctrine à la vie. Saint Martin incarne cette tempérance chrétienne, non comme faiblesse mais comme équilibre entre action et contemplation, courage et retenue. Suivre son exemple permettra d’avoir un cœur doux et humble, à l’image du Christ. Il est essentiel de s’attacher à ce dernier et de se méfier des hérésies contemporaines, tout comme un autre saint l’a fait pour la France il y a plusieurs siècles.

Saint Vigor – La prudence contre les idoles

VIᵉ siècle. Les grandes invasions sont passées, mais les croyances anciennes s’accrochent aux campagnes. À mesure que la Gaule se christianise, elle reste menacée par les résurgences païennes, les syncrétismes, les superstitions qui gangrènent les peuples. C’est là que se lève Vigor, jeune moine devenu évêque de Bayeux. Il incarne la prudence et la lucidité du berger soucieux de ses brebis.

Sa prudence n’est ni tiède ni timorée : c’est la vertu du discernement et de l’action juste. Face à l’ignorance et à l’erreur, il ne se contente pas de dénoncer, il enseigne, corrige, détruit les faux dieux pour reconstruire un peuple libre. À Bayeux, il fait abattre un temple païen encore très fréquenté, symbole d’un attachement ancien à des puissances trompeuses. Mais il ne laisse pas un vide : il bâtit aussitôt un oratoire chrétien, y institue la liturgie, y enracine une communauté. Il ne remplace pas seulement un culte par un autre : il restaure une orientation. Il rappelle que le cœur de l’homme n’est pas fait pour errer parmi mille croyances, mais pour adorer le seul vrai Dieu.

Sa charité ne trouve pas d’excuses aux païens : tolérer l’erreur, c’est abandonner le troupeau aux loups. Vigor protège paternellement la doctrine chrétienne, préparant le terrain pour un christianisme français cohérent et fidèle, capable de résister aux vents mauvais. A son exemple, sachons repérer les faux dieux, les idoles d’aujourd’hui (que ce soient les écrans, les carrières, les addictions …) et construisons en lieu et place ce qui nous élèvera vraiment.

Remplacer le sable par le roc

Face à une époque instable, dispersée et saturée d’idoles, la France s’est autrefois construite sur le roc. Saint Denis a planté la Croix au cœur de la cité, saint Martin a pacifié les cœurs par la prière et le service, saint Vigor a veillé sur la doctrine comme un père vigilant. Trois hommes, trois exemples, une seule leçon : il ne suffit pas de bâtir, il faut bien choisir sur quoi. À leur suite, que chacun d’entre nous bâtisse sa propre personne, sa maison et sa cité, non sur le sable des illusions, mais sur le roc du Christ.

Christophe de Guibert

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Christophe de Guibert
Actuellement directeur adjoint, instituteur et professeur d'histoire dans une école primaire, Christophe de Guibert a pourtant commencé par des études de droit. Notamment engagé à travers des missions humanitaires en Irak et des restaurations de calvaire en Ille-et-Vilaine, il est également passionné par la composition musicale, l'Histoire ... sans oublier sa foi.

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