Pour vous, qu’est-ce qu’un homme digne de ce nom ?
C’est sans hésiter saint Joseph que je définirais comme l’homme selon le cœur de Dieu. Il représente à mon sens un parfait équilibre entre la capacité à prendre ses responsabilités d’homme tout en s’abandonnant avec confiance en Dieu. A sa suite, soyons des hommes avec les pieds sur terre et le cœur tourné vers le Ciel !
Parmi toutes les vertus humaines, y en a-t-il une que vous préconisez particulièrement de nos jours ?
Je voudrais en citer deux ! La persévérance me semble essentielle dans un monde qui promeut l’instantanéité, la facilité, et les changements de cap au moindre obstacle. J’aime aussi beaucoup la bonté ! Qu’il est agréable de côtoyer des hommes bons, attentifs aux autres, et qui voient en chacun le meilleur ! Je voudrais ainsi être un homme persévérant sur qui l’on peut compter, et bon pour prendre soin de ceux que je croise sur la route de ma vie.
Avez-vous eu l’occasion de pratiquer ces vertus ? Ou d’en expérimenter les bienfaits ?
Je travaille depuis près de trente ans pour des associations et organisations internationales, au service des plus pauvres. La persévérance est une qualité bien souvent nécessaire pour mener à bien des projets dans des contextes parfois très compliqués. Il s’agit d’essayer de déplacer des montagnes avec des moyens limités. Mais lorsque l’objectif est d’essayer de changer la vie de personnes vulnérables, rien ne peut nous arrêter !
Avez-vous une figure inspirante ou des figures tutélaires qui vous ont inspiré par le passé ?
Mon propre père. J’ai toujours observé avec admiration son sens du service, sa foi profonde, sa discrétion et son humilité. Je ne sais pas toujours comment lui dire… Ces quelques lignes sont une belle occasion de le faire !
Et aujourd’hui ?
Les chrétiens en détresse dans le monde pour lesquels je travaille au sein de l’AED (Aide à l’Eglise en Détresse) m’aident beaucoup. Leur foi, leur espérance et leur courage au cœur des épreuves, m’édifient. Ils risquent leur vie, et parfois la perdent, par fidélité au Christ. C’est bouleversant et admirable.
Votre devise préférée ?
« Duc in altum ! » qui signifie « avance au large ! » Ce sont les paroles de Jésus adressées à saint Pierre un matin au large du lac de Tibériade, après une nuit de pêche infructueuse. Il l’invite à la confiance et à l’audace. Saint Pierre obéit, et les filets sont bientôt pleins à craquer ! J’aime cet appel qui s’adresse encore à moi aujourd’hui. Jésus connait mes épreuves et mes doutes, mes talents et mes qualités. Il monte dans ma barque et m’accompagne. Et au matin, je sais que les filets de ma vie seront pleins, par sa grâce !
Votre citation préférée ?
« L’aventure la plus prodigieuse est celle de notre propre vie et celle-là est notre taille. » C’est Guy de Larigaudie qui a écrit cette phrase magnifique dans son livre Etoile au grand large. Adolescent je rêvais d’aventures et d’exploits. J’ai compris avec le temps que l’aventure qui m’était proposée était celle de ma vie, ici et maintenant, et que celle-ci méritait pleinement d’être vécue, sans rêve de gloire ou de fortune ! Ma vocation d’époux et de père est d’être ainsi un aventurier du quotidien, qui ne change pas la face du monde mais qui est invité à changer la vie de ceux qui l’entourent !
L’événement historique que vous retenez comme leçon pour notre époque ?
J’admire ceux qui se sont engagés dans la Résistance pendant la seconde guerre mondiale, avec un courage extraordinaire. Ils étaient d’âges, de conditions et de convictions différentes, mais animés du même amour de la patrie et du refus de la défaite. Parmi ces hommes et ces femmes, j’ai beaucoup d’admiration pour Tom Morel, chef des maquis de Haute-Savoie, tué en mars 1944. Je suis souvent allé me recueillir au cimetière des Glières où il repose aux côtés de tous ceux qui ont résisté au prix de leur vie. La droiture morale et le courage des résistants sont des qualités qui ont forgé notre histoire contemporaine et que nous sommes invités à mettre en œuvre de nos jours.
Votre personnage historique préféré ?
Je voudrais en citer tellement ! Jésus le premier bien sûr, parce qu’Il est le centre de l’Histoire du monde. Mais je veux partager l’immense affection que j’ai pour saint Joseph. Ami de Dieu, amoureux de Marie, père de Jésus, artisan appliqué. Tout me plaît en lui ! Il a vécu l’extraordinaire du plan de Dieu dans la simplicité de sa vie quotidienne. Dans ma prière, quand je lui parle de ma vie d’époux, de père et de travailleur, il m’écoute et me comprend. C’est certainement mon meilleur ami du Ciel, et je serai bien heureux de le voir en arrivant auprès de Dieu !
Et votre personnage préféré, non canonisé cette fois-ci ?
Antoine de Saint-Exupéry. C’était un aviateur chevronné, un aventurier courageux et un écrivain remarquable ! Il incarne à mes yeux un parfait équilibre entre l’action et la réflexion. Dans Terre des hommes ou Le Petit Prince, il aborde avec simplicité et profondeur des questions essentielles sur le sens de l’existence, la responsabilité, l’amitié, ou encore la fragilité. Je me replonge dans certains de ses textes avec un plaisir toujours renouvelé.
L’époque de l’histoire de France dans laquelle vous aimeriez aller si un magicien vous le proposait ?
Je ne sais que dire… J’aime l’époque actuelle parce que c’est aujourd’hui que je suis invité à vivre et agir ! Mais si ce magicien insiste, je dirais certainement le XIXe siècle ! Il y avait alors, en Europe notamment, un foisonnement artistique et intellectuel exceptionnel. La littérature y était flamboyante, la peinture, la sculpture et la musique étaient de toute beauté, la philosophie bouillonnait. C’est un siècle de génie créatif et de transformations que je serais heureux de pouvoir observer de près.
Le livre dont vous ne vous séparez jamais ?
« Cyrano de Bergerac » d’Edmond Rostand. J’en connais des dizaines de scènes par cœur ! J’aime sa bravoure, son romantisme, son sens de l’honneur, sa fidélité à ses idéaux… et son panache !
Le livre que vous lisez en ce moment ?
« Sur la montagne – L’aspérité et la grâce » du frère dominicain Adrien Candiard (Cerf, octobre 2023). J’aime beaucoup cet auteur contemporain, dont j’ai lu tous les livres ! Il écrit des choses très profondes avec beaucoup de simplicité et parfois d’humour. Dans cet ouvrage, il nous invite à réfléchir sur cette question immense : qu’est-ce qu’être chrétien ?(!)
Le passage de l’Ancien Testament qui vous marque le plus ?
David, petit berger, dernier enfant des huit fils de Jessé, choisi par Dieu pour devenir le roi d’Israël (Premier Livre de Samuel, chapitre 16, versets 1 à 13). Ce passage me touche immensément. Dieu choisit ses serviteurs non pas selon leurs talents et leurs forces mais selon son cœur. Monseigneur Jean-Baptiste Pham-Minh-Man, archevêque de Saigon au Vietnam, nous rappelle cela dans ce joli petit texte :
Dieu avait besoin d’un père pour son peuple : il choisit un vieillard… Alors Abraham se leva !
Dieu avait besoin d’un porte-parole : il choisit un timide qui bégayait… Alors Moïse se leva !
Dieu avait besoin d’un chef pour conduire son peuple il choisit le plus petit, le plus faible… Alors David se leva !
Il avait besoin d’un roc pour poser l’édifice : il choisit un renégat… Alors Pierre se leva !
Il avait besoin d’un visage pour dire aux hommes son amour, Il choisit une prostituée… Ce fut Marie-Madeleine !
Il avait besoin d’un témoin pour crier son message, il choisit un persécuteur… Ce fut Paul de Tarse !
Aujourd’hui il a besoin de toi… Il t’a choisi ! Même si tu trembles, pourquoi ne pas te lever ?
Le passage du Nouveau Testament qui vous marque le plus ?
La Nativité, relatée dans les Evangiles de saint Matthieu et de saint Luc. Je suis absolument bouleversé par l’incarnation. Dieu, qui par amour des hommes se fait petit enfant, pauvre, vulnérable. Dieu qui se fait homme pour pouvoir prendre l’homme dans ses bras ! Aucune autre religion ne propose un Dieu aussi proche.
Votre prière préférée ?
Le « Décalogue de la sérénité » du pape saint Jean XXIII. C’est une prière très simple et très concrète qui nous invite à vivre chaque jour avec application et confiance. Je la redis chaque matin, et j’essaie, souvent très maladroitement, de l’appliquer ! « Rien qu’aujourd’hui, … »
Une raison de désespérer de nos jours ?
Aucune ! La seule certitude d’être aimé de Dieu suffit à ma joie, et sa présence à mes côtés me guide et me rassure.
Une raison d’espérer ?
L’Espérance elle-même ! Cette vertu théologale rappelle sans cesse à notre cœur que Dieu se tient à nos côtés et qu’Il ne nous abandonne jamais. Les chrétiens persécutés pour lesquels j’ai la grâce de travailler sont des témoins extraordinaires de cette Espérance ! Malgré les épreuves et les difficultés extrêmes de leur vie, ils ont une confiance indéfectible en l’Amour de Dieu pour eux. Ils savent au plus profond de leur cœur que Dieu est le seul qui ne les trahit jamais.
Une fierté personnelle ?
Ma famille ! Quelle grâce et quelle aventure de prendre soin de mon épouse et de mes enfants, que Dieu m’a confié, pour les conduire vers Lui !
L’aveu d’un échec passé… ?
Dès que je manque de patience et de douceur envers ma femme et mes enfants. Je m’en désole, et je leur demande pardon.
Pour vous, que signifie réussir sa vie ?
Prendre soin de ceux qui nous sont confiés – famille, amis, collaborateurs, gens de passage, … Parce qu’en arrivant au Ciel je crois profondément que Dieu nous posera cette question : « Qu’as-tu fait de ton frère ? »
Votre blague préférée ?
Un homme au volant de sa voiture recherche une place de parking. Sans succès il fait une prière : « Mon Dieu, si vous m’aidez à me garer, j’irai cet été à Lourdes ». Il roule quelques secondes et devant lui une place se libère. Il se gare, éteint son moteur, puis se tourne vers Dieu et lui dit « Seigneur, ce n’est plus la peine que vous cherchiez, j’ai trouvé moi-même une place ! » Cette histoire me fait sourire, parce qu’elle me semble très vraie ! Souvent nous oublions de voir à quel point Dieu agit dans nos vies, et nous oublions de rendre grâce.
La plus grande qualité d’un homme ?
La fidélité (à Dieu, à son épouse, à sa famille, à ses amis). Être ainsi un homme sur lequel on peut compter et qui ne trahit jamais.
La plus grande qualité d’une femme ?
La douceur.
Ce qui vous manque le plus ?
Avoir du temps en silence. Si j’avais assez de volonté, je me lèverais comme un moine au cœur de la nuit pour méditer, lire et prier.
Ce que vous avez en trop ou qui vous alourdit ?
Mon manque de confiance en moi qui instille le doute, freine mes projets et pèse sur mes épaules.
A la fin de votre vie, s’il y a une chose de vous à retenir, que voudriez vous que cela soit ?
Que j’ai toujours essayé, souvent bien maladroitement, d’être l’ami de Dieu.
Propos recueillis par Joseph Vallançon


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