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Cet enregistrement est proposé par Paul de Launoy, comédien, auteur, metteur en scène et formateur. Père de six enfants, Paul de Launoy a suivi sa formation dramatique au Cours René Simon (Paris). Avec la compagnie ARGILIS qu’il a créée en 2018, avec Frédéric Hamaide, il travaille régulièrement sur des projets pour le théâtre. Il enseigne depuis quelques années à l’ICES (Vendée) et à l’EM-Normandie (Dublin).
Mes chers amis,
Il y a dans le cœur de l’homme une soif immense, une faim muette, presque honteuse, que peu d’entre nous osent nommer : celle d’être aimé sans condition, comme au premier jour. Un amour total, maternel, originel — celui-là même que nous avons goûté, parfois confusément, dans les bras de notre mère, et que nous cherchons, souvent inconsciemment, dans le regard de notre femme.
Ce désir, en soi, n’est pas mauvais. Il est même le signe que nous avons été créés pour l’amour. Mais mal orienté, il devient un piège. Car un homme qui cherche à être aimé comme un enfant par sa femme, finira tôt ou tard par la haïr, ou pire : par la mépriser.
Quand l’enfant paraît, la crise éclate
Le drame arrive souvent à l’aube d’une naissance. L’homme, jusque-là premier dans le cœur de sa femme, la voit se tourner vers l’enfant. Quelque chose d’irréversible a lieu. Elle devient mère. Elle révèle une autre forme de tendresse, plus grave, plus profonde, plus nécessaire. Et soudain, le mari se découvre jaloux. Non pas de manière consciente, bien sûr. Il se dira « mis de côté », « ignoré », « moins aimé ». Mais au fond, c’est une révolte : « Et moi ? Qui va s’occuper de moi maintenant ? »
Ce moment-là, mes frères, est un tournant initiatique. C’est pourquoi il serait nécessaire d’apprendre à le faire avant d’être en couple ! C’est le seuil où l’homme est sommé — parfois durement — de ne plus être le fils de sa femme, mais son époux, son roc, son compagnon dans la tempête. Là se joue la véritable virilité. Acceptera-t-il de sortir de lui-même ? De mourir à son ego gorgé d’attentes ? Ou bien s’acharnera-t-il à réclamer des soins, des caresses, des attentions qu’on ne lui doit plus — parce qu’il est appelé à les donner désormais ?
L’esclave ou l’idole
Deux grandes tentations guettent l’homme dans sa relation à la femme.
La première est de vouloir en faire une esclave. Une femme à son service, qui apaise son stress, qui réchauffe son lit, qui prépare ses repas et le félicite de ses exploits. L’homme se fait alors roi de pacotille, et la femme, domestique frustrée, finit par s’éteindre ou exploser. C’est l’illusion du pouvoir masculin sans responsabilité. Une parodie de royauté.
La seconde tentation est plus subtile, plus flatteuse : faire de la femme une idole. Celle qui comblera tous mes manques, portera tous mes espoirs, me sauvera de moi-même. Je n’attends plus d’elle qu’elle me serve, non : j’attends qu’elle me sauve. Qu’elle me comprenne sans que je parle. Qu’elle m’aime sans faille. Qu’elle soit toujours belle, toujours douce, toujours présente.
Mais l’idole, tôt ou tard, déçoit. Parce qu’elle n’était qu’une femme, pas une déesse. Et l’homme, trahi dans ses illusions, la détrône avec violence. C’est l’histoire banale de tant d’amours passionnés, devenus haines froides.
Entre l’esclave et l’idole, il y a un autre chemin : celui du mystère.
Redécouvrir la femme comme mystère et complice du bien
La femme n’est pas un refuge pour notre infantilisme, ni une servante pour nos plaisirs, ni une déesse pour notre salut. Elle est un vis-à-vis. Une compagne donnée par Dieu. Une altérité féconde, parfois déconcertante, souvent exigeante, mais toujours appelante.
Il faut apprendre à la regarder non comme un miroir de nous-mêmes, mais comme un don complémentaire. Elle pense autrement ? Tant mieux. Elle ressent les choses plus finement ? Écoute-la. Elle ne te comprend pas toujours ? Apprends à te dire. La différence n’est pas un problème à résoudre, c’est une danse à apprendre.
Le Christ, Lui, n’a jamais réduit la femme à son utilité ni à son charme. Il a regardé Marie-Madeleine, la Samaritaine, la femme adultère, avec un respect désarmant. Il a révélé en elles une vocation. Et sur la Croix, il a confié sa propre Mère à son disciple préféré : « Voici ta mère. » (Jean 19, 27)
Il nous apprend ainsi que la femme est un appel à aimer mieux, à donner plus, à grandir. Et que la virilité véritable, loin de dominer ou d’idolâtrer, sert et élève.
Une complémentarité qui sauve
Redécouvrir la complémentarité homme-femme, ce n’est pas faire une répartition des tâches comme dans une entreprise. C’est accueillir le mystère de l’unité dans la différence.
Vous êtes plus logiques ? Elles sont plus intuitives. Vous êtes enclins à l’action ? Elles perçoivent ce qui se joue dans les silences. Ensemble, vous êtes une image du Christ et de l’Église. Lui, qui donne sa vie. Elle, qui reçoit et enfante la vie.
Mais attention : recevoir ne veut pas dire passivité, et donner ne veut pas dire supériorité. C’est un échange sacré, où chacun trouve sa plénitude dans le don total de soi. C’est ce que le pape Jean-Paul II appelait la « communion des personnes », et qui suppose que chacun cesse de vouloir posséder l’autre, pour apprendre à se donner.
Un défi pour cette semaine
- Faites la vérité sur votre regard. Prenez un temps de silence, seul, et demandez-vous : quelle est votre attente profonde vis-à-vis de votre femme ? L’aimez-vous comme une compagne à élever, ou comme une mère à combler vos manques ? Avez-vous tendance à l’adorer, à la consommer, ou à la mépriser ? Mettez des mots sur ce que vous attendez d’elle, et confiez cela à Dieu.
- Posez un acte concret de maturité. Cette semaine, choisissez délibérément un geste qui manifeste votre passage de la dépendance affective à l’amour viril : un service rendu sans rien attendre en retour, une attention offerte dans le silence, un renoncement discret pour son bien à elle.
- Priez pour votre regard. Chaque jour, récitez un « Je vous salue Marie » en demandant à Dieu la grâce de voir les femmes avec les yeux du Christ : ni comme des proies, ni comme des déesses, mais comme des sœurs, des épouses, des mères — des merveilles à aimer avec respect et force.
Entre l’esclave soumise et la pouliche indomptable, l’homme oscille, tiraillé entre confort et fascination. Il croit vouloir l’une, il brûle pour l’autre… et il oublie qu’il existe une troisième voie : celle de l’Alliance, où la femme n’est ni à dominer, ni à apprivoiser, mais à aimer — librement, virilement, saintement. Ayons le courage de cette voie, mes frères : elle seule rend l’homme digne de l’amour qu’il espère.
Fraternellement vôtre,
Dr XY

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